Selon l’adage, les mots n’ont pas pour le pouvoir de blesser. Évidemment, c’est faux! Les insultes et mots malveillants si souvent prononcés par les jeunes hommes et s’adressant à la fois aux hétérosexuels et aux hommes gais sont peut-être en définitive la réaffirmation d’idées rigides sur la masculinité et finissent par influer sur la façon dont les personnes visées se protègent (si tant est qu’elles le font), elles et leur(s) partenaire(s) du VIH. Tyler Brown, étudiant au doctorat à l’Université McGill, espère répondre à cette question dans ses recherches sur la masculinité et les pratiques de santé sexuelle des hommes.
Tyler s’est initié à la recherche lors de sa maîtrise à McGill, où il étudiait la façon dont les insultes anti gais étaient utilisées par les hétérosexuels pour prouver leur masculinité à la suite de situations où ils sentaient que leur sexe était menacé. Il a acquis une meilleure compréhension des processus sociaux qui stigmatisent l’identité sexuelle des hommes gais. Ainsi que Tyler l’explique, pour son doctorat, il aborde la masculinité sous un autre angle : « À mesure que ma recherche avançait, je suis devenu de plus en plus curieux de savoir en quoi la stigmatisation de l’identité sexuelle des hommes gais peut avoir des répercussions sur leur santé psychologique et physique. »
Avec l’appui de la bourse en sciences sociales pour étudiants du doctorat de l’ACRV/IRSC, Tyler étudie la masculinité en tant qu’aspect de l’hétérosexisme internalisé (attitude sociale négative internalisée concernant l’orientation sexuelle). Lorsque des hommes gais internalisent des idées traditionnelles concernant la masculinité, leurs pratiques sexuelles sans risque en sont-elles affectées? D’après les études antérieures, il appert que la masculinité peut influer sur les pratiques de santé sexuelle des hommes hétérosexuels, mais on ne dispose pas encore de recherche analogue sur son influence chez les hommes gais.
Tyler avance que les tabous masculins contre les comportements d’affection entre hommes gais peuvent intensifier les comportements sexuels à risque. Les hommes gais qui tendent à adopter les idées qu’on se fait traditionnellement de la masculinité s’adonnent peut-être plus fréquemment à de relations anales non protégées, peut-être parce qu’ils ont l’impression que prendre des précautions pour protéger leur santé et celle de leur partenaire pourrait être perçu comme un comportement féminin et que, sur le plan des sentiments, ils se soucient de leurs partenaires sexuels.
La recherche sur la masculinité s’écarte de la perception « classique » de la masculinité en tant que norme et retourne la question à l’envers. Comme l’explique Tyler : « Plutôt que d’enquêter sur la masculinité en tant que point de référence normatif, il est possible de l’étudier en tant que construction mentale susceptible d’être un problème pour les hommes et ceux qui interagissent avec eux. » En examinant la masculinité d’un point de vue critique, le rôle qu’elle joue dans la santé physique et psychologique devient un sujet qui se prête à la recherche.
Le directeur de thèse de Tyler, le Dr Nathan Smith, fait ressortir les avantages du travail de son protégé car, « en explorant le rôle du genre masculin, thème de recherche trop souvent confiné aux hommes hétérosexuels, la recherche menée par Tyler offrira un éclairage important sur la façon dont les hommes gais et bisexuels interprètent leur masculinité et dont cette interprétation est liée au risque de transmission du VIH ».
« J’espère, dit Tyler, que mes recherches feront ressortir à quel point il est précieux d’étudier et de mieux comprendre la masculinité dans le contexte de la recherche axée sur la santé et suscitera de nouvelles façons de réfléchir. » Dans le contexte de travaux antérieurs sur la santé des hommes gais, Tyler croit que son travail peut renforcer les stratégies préventives actuelles et que les interventions relatives au VIH peuvent être conçues pour se concentrer sur l’hétérosexisme internalisé et sur l’expérience masculine subjective des hommes gais, afin de réduire le risque de transmission du VIH par relations anales non protégées.
Tyler estime que c’est un honneur d’avoir reçu la bourse ACRV/IRSC, en même temps qu’un soulagement, qu’il explique ainsi : « Cela signifie beaucoup pour moi de pouvoir mener mes recherches sans être perturbé par le stress lié à l’absence de source stable de financement ». La bourse de l’ACRV l’aide à poursuivre ses objectifs de recherche et a renforcé son engagement à la recherche sur la santé des hommes.
Bonne chance dans votre carrière de chercheur, Tyler, et félicitations pour avoir reçu la bourse doctorale ACRV/IRSC en sciences sociales!