Imaginez cet outil incontournable de l’éducation primaire qu’est le diagramme de Venn. Dans un cercle se trouve la problématique de la violence post-conflit, c’est-à-dire, qui survient au terme d’un long affrontement, et dans l’autre, de jeunes travailleuses du sexe et leur risque à l’égard du VIH. Maintenant, imaginez la zone où ces deux cercles se recoupent. Voilà où réside le sujet de la recherche de Katherine Muldoon.
Katherine, étudiante au doctorat à la faculté de santé des populations et de santé publique de l’Université de la Colombie-Britannique et lauréate d’une bourse doctorale de l’ACRV, effectue ses recherches dans un domaine relativement nouveau, l’épidémiologie sociale. Elle fait partie d’une grande équipe de recherche qui souhaite découvrir comment le chaos qui suit un conflit donne lieu non seulement à une flambée de violence, mais peut aussi accroître le risque de VIH chez les jeunes travailleuses du sexe. Si la présence des travailleuses du sexe dans les conflits et après leur résolution n’est pas passée inaperçue chez les populations et les organismes locaux, on constate que la recherche s’en est peu préoccupée.
L’étude se déroule dans le Nord de l’Ouganda où vient de prendre fin une guerre civile qui a duré 24 ans. Elle regroupe 400 jeunes femmes qui ont été réduites à la prostitution pour survivre au cours des 30 jours précédents. L’âge moyen de ces femmes est de 21 ans (allant de 19 à 25 ans). Plusieurs ont au moins un enfant biologique et prennent soin d’autres membres de leur famille.
« Nous avons entre autre constaté que ces femmes subissent une pression extrême pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille », affirme Katherine.
Étant donné qu’elles sont si nombreuses à avoir vécu dans des camps de personnes déplacées, loin de chez elles et sans la protection des modes de vie traditionnels, elles risquent davantage d’avoir des rapports sexuels avec des hommes plus âgés. En raison de la nécessité de subvenir aux besoins de leur famille, beaucoup font le commerce du sexe, soit pour se procurer des biens ou de l’argent, soit pour se placer sous la protection d’un homme plus âgé. Et selon Katherine, les relations sexuelles intergénérationnelles, continuent de poser un risque particulièrement élevé à l’égard de l’infection au VIH.
Même si elle se déroule dans un contexte post-conflit en terre africaine, loin de la relative sécurité de Vancouver, la recherche de Katherine peut s’inspirer d’une étude qui a été effectuée à Vancouver par la Dre Kate Shannon, directrice de la Gender and Sexual Health Initiative du BC Centre for Excellence in HIV/AIDs (et cosuperviseure doctorale de Katherine, avec la Dre Jean Shoveller, de l’Université de la Colombie-Britannique), où Katherine a travaillé ces cinq dernières années. Elle espère que cette étude répondra à d’autres questions laissées en suspens.
« Je souhaite réunir des preuves qui éclaireront les politiques, les programmes et la planification et qui attireront l’attention des intervenants sur cette population marginalisée », dit-elle. Il faut également procéder à une analyse de comparaison entre les sexes quant aux conséquences de la guerre sur la vie des femmes, mais aussi des hommes. »
« Les travaux entrepris par Katherine dans le cadre de son doctorat pourraient largement contribuer à améliorer l’équité en matière de santé pour les travailleuses du sexe parmi les plus marginalisées dans le monde », affirme la Dre Shannon. « Les suites d’un confit créent un climat particulièrement propice aux inégalités sociales, économiques et sexuelles. Compte tenu de cette phase de transition et des efforts croissants du gouvernement ougandais pour criminaliser davantage les personnes séropositives, les minorités sexuelles et les travailleurs du sexe, il y a lieu de s’inquiéter de la prévention et du traitement du VIH et de la prise en charge des jeunes femmes en Afrique de l’Est. »
Selon Katherine, l’obtention d’une bourse de recherche doctorale de l’ACRV a complètement changé sa vie, puisqu’elle lui a permis de se consacrer à quelque chose qui la passionne.
« Je suis très reconnaissante pour cette bourse », affirme Katherine. « Je m’y consacre entièrement maintenant. Cette recherche m’absorbe complètement ».
Pour ce qui est de ses projets d’avenir, Katherine réitère son désir de se consacrer à la santé internationale et à l’épidémiologie sociale. Elle veut continuer d’analyser les structures sociales qui contribuent au fardeau de la violence chez les populations marginalisées. Elle prévoit faire une demande de bouse postdoctorale pour poursuivre ses travaux et elle aspire à faire carrière comme chercheure universitaire.