
M. Ralph Pantophlet (PhD) de l’Université Simon Fraser est arrivé indirectement dans la recherche sur le VIH. Quittant son Aruba natale à destination des Pays-Bas, de l’Allemagne et des États-Unis et travaillant maintenant au Canada, ses recherches l’ont amené à réfléchir de façon globale aux relations complexes entre les antigènes viraux et les anticorps du système immunitaire. Il est désormais un des grands spécialistes des réactions antivirus-anticorps, particulièrement sous l’angle des antigènes.
Par contre, il n’a pas toujours eu l’intention d’étudier les antigènes. Après ses travaux de deuxième cycle sur le développement d’anticorps permettant de mieux identifier un groupe de bactéries Gram négatif acquises par contamination nosocomiale, M. Pantophlet s’est intéressé à l’ingénierie des anticorps. Par contre, lorsqu’il s’est présenté à un laboratoire sur le VIH au Scripps Research Institute de La Jolla, Californie, en tant que boursier postdoctoral prêt à travailler sur les anticorps du VIH, on lui a dit que le projet était déjà attribué. « Par contre, lui a-t-on répondu, nous avons un projet sur la modification d’une protéine du VIH pour mieux faire ressortir les réactions antivirales; pourquoi ne commenceriez-vous pas par là? » raconte M. Pantophlet. « Au départ, j’étais déçu, mais avec le temps, j’ai reconnu les vastes répercussions découlant du fait de pouvoir modifier un antigène pour recréer divers types d’anticorps avec leurs spécificités différentes. »
Maintenant appuyé par des subventions d’équipe des IRSC et une bourse de chercheur-boursier de la Fondation Michael-Smith pour la recherche en santé, M. Pantophlet cherche toujours à comprendre comment modifier une protéine-cible du VIH dans le but de contribuer à la mise au point d’un vaccin contre ce virus. Sous sa forme non modifiée, cette protéine n’entraine pas la fabrication d’anticorps protecteurs, mais elle abrite des régions susceptibles de le faire. « Notre idée, c’est de masquer les sites pour lesquels nous ne voulons pas de production d’anticorps, et de laisser les autres, pour lesquels nous cherchons une réponse, accessibles au système immunitaire, explique M. Pantophlet. Nous tentons de modifier la protéine, mais nous cherchons aussi à déterminer si d’autres facteurs sont nécessaires à l’obtention de la réponse souhaitée. » Même s’il a largement réussi à éliminer les réponses non souhaitées des anticorps, il cherche toujours à augmenter les réponses souhaitées. « Se pourrait-il qu’il y ait un problème dans les modifications que nous apportons? En faisons-nous trop? Créons-nous ainsi de nouvelles régions qui n’étaient pas là à l’origine? Ou se pourrait-il que d’autres éléments du système immunitaire doivent être en place pour que tout fonctionne? Ce n’est pas aussi simple que nous l’espérions! », poursuit M. Pantophlet. « Cette dernière question suscite assurément notre intérêt pour les lymphocytes T : ils semblent jouer un rôle important dans l’induction et l’obtention des réponses protectrices, et selon certains indices, la vigueur de ces lymphocytes revêtirait une certaine importance. »
M. Pantophlet, qui a mené des recherches sur des bactéries lors de ses études de deuxième cycle, fait en quelque sorte un retour aux sources : son laboratoire, en collaboration avec des chercheurs en Italie et avec le soutien des IRSC, a récemment découvert une bactérie végétale contenant à sa surface une molécule de sucre semblable à ce qu’on trouve à la surface du VIH. Pour des raisons qu’on s’explique encore mal, certaines personnes infectées par le VIH fabriquent des anticorps qui arrivent à reconnaitre les molécules de sucre à la surface du VIH. En laboratoire, ces anticorps se sont révélés de puissants inhibiteurs de l’infectiosité du virus. « Cependant, si on prend ces molécules de sucre de façon isolée et qu’on les injecte [dans un animal], on n’obtient pas les réponses immunitaires appropriées, explique M. Pantophlet. Il y a une différence dans la façon dont notre système immunitaire reconnait ces molécules selon qu’elles se trouvent à la surface du VIH ou qu’elles sont isolées. L’une de nos idées, c’est de voir s’il est possible de synthétiser chimiquement cette molécule de sucre bactérienne et ses dérivés, et de déterminer, dans des modèles animaux, s’ils peuvent encourager la réponse immunitaire recherchée. »
Que M. Pantophlet étudie des bactéries ou le VIH, son objectif ultime de recherche est ambitieux : comprendre les liens complexes entre le système immunitaire et l’agent pathogène, et les utiliser pour faire de meilleurs vaccins. « Le but, ce serait de créer un antigène pour induire la réponse souhaitée. Il peut sembler inatteignable, mais certains éléments et certaines lois sont en place. Ainsi, il pourrait être possible de décortiquer ces éléments et de comprendre leurs interactions. De plus, de nombreux chercheurs travaillant à la mise au point de vaccins croient qu’il sera possible de modifier et de présenter des protéines et d’autres structures de manière à obtenir la réponse souhaitée », indique M. Pantophlet.
M. Pantophlet est à la fois passionné par les grands défis et par les occasions qu’ils renferment. « J’espère sincèrement que nous ferons partie d’une nouvelle ère de la conception de vaccins, dans laquelle les méthodes traditionnelles sont peu à peu abandonnées au profit de méthodes reposant sur la biologie moléculaire, l’informatique et les connaissances approfondies, » dit-il. « Connaître les éléments ciblés, et comprendre pourquoi nous les ciblons. J’aimerais faire partie de cette nouvelle génération. »
L’Association canadienne de recherche sur le VIH (ACRV), l’Initiative de recherche sur le VIH/sida des IRSC, la Fondation canadienne de recherche sur le sida (CANFAR), le Réseau canadien pour les essais VIH (RCE) et le Bureau de coordination de l’alliance (BCA) de recherche et de développement de l’Initiative canadienne de vaccins contre le VIH (ICVV) souhaitent adresser leurs remerciements à M. Pantophlet pour sa contribution importante à notre compréhension du VIH. Son travail s’inscrit dans un vaste effort de recherche canadien qui améliore la vie des personnes touchées par le VIH au Canada et ailleurs dans le monde.