
Titulaire de la chaire de recherche du Canada sur la santé et la justice sociale à la Faculté de travail social Factor-Inwentash de l’Université de Toronto, le Dr Peter A. Newman est un inconditionnel de l’approche multidisciplinaire dans la recherche sur le VIH. « Lorsque les sciences sociales et biomédicales évoluent dans le même sens, elles peuvent transformer les belles découvertes scientifiques en outils utiles et efficaces », précise-t-il. Dans ses travaux de recherche, il s’intéresse à des méthodes de traitement et de prévention du VIH en cours d’élaboration dans les sciences fondamentales et cliniques, et les applique dans le « laboratoire le plus important : le monde réel » afin de trouver comment exploiter leur plein potentiel. « Vous pouvez avoir la technologie la plus extraordinaire, et même un vaccin hautement efficace, mais s’il est impossible de l’acheminer aux personnes qui en ont besoin, ou si celles-ci le refusent parce qu’elles ont trop peur ou ne comprennent pas son fonctionnement ou sa pertinence, ce vaccin n’aura virtuellement aucune utilité pour les populations à risque élevé », explique-t-il.
Grâce à une subvention d’équipe des IRSC obtenue par l’intermédiaire de l’Initiative canadienne de vaccins contre le VIH, ainsi qu’à une subvention de fonctionnement des IRSC, le Dr Newman étudie le potentiel de méthodes de prévention du VIH destinées aux hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH) et aux femmes transgenres en Inde et en Thaïlande. Ces dix dernières années, les taux de VIH dans la plupart des populations de ces deux pays ont diminué, mais les HARSAH et les femmes transgenres continuent de courir un risque très élevé d’infection : dans certaines villes indiennes et thaïlandaises, on estime que la prévalence du VIH chez ces personnes oscille entre 15 % et 30 %. « Nous nous intéressons à l’acceptabilité de technologies émergentes ou prochaines », explique le Dr Newman. Certaines études de ce type ont été réalisées en Amérique du Nord, mais l’Inde et la Thaïlande sont selon lui culturellement très différentes : « Certains des problèmes liés à l’acceptabilité sont communs, mais d’autres sont bien distincts. Nous devons donc partir de zéro. » Par exemple, en Inde et en Thaïlande, la famille est au centre de l’existence; ainsi, en Inde, de nombreux HARSAH sont mariés à des femmes. Cette réalité soulève de grandes questions en ce qui a trait à la divulgation, au traitement et à la prévention. « Qu’arriverait-il si leur statut était divulgué et que quelqu’un l’apprenait? Ou encore, où ces hommes pourraient-ils garder leurs médicaments à l’abri de leur mère ou de leur femme? Les risques sont immenses : perdre leur famille, leur femme ou leur partenaire masculin – de grandes sources d’amour et de soutien – serait désastreux, poursuit le Dr Newman. Dans certains cas, les risques associés aux méthodes de prévention ou de traitement du VIH peuvent sembler supérieurs aux avantages; c’est à nous de collaborer en vue de changer les facteurs sociaux et structurels qui éclairent l’équation. » En outre, le Dr Newman travaille à résoudre des problèmes logistiques et des difficultés liés à la participation aux essais cliniques. Par exemple, l’Inde exige que tous les médicaments utilisés soient testés dans des essais cliniques réalisés sur son territoire, mais des obstacles limitent la participation à ces essais. « En plus de susciter des craintes liées à la divulgation du statut d’HARSAH ou à la possibilité que la personne soit perçue comme étant à risque élevé de contracter le VIH, ces essais soulèvent de nombreux problèmes sur le plan des assurances. En effet, les gens s’inquiètent beaucoup des effets secondaires possibles et se demandent qui s’occuperait de leur famille s’il leur arrivait quelque chose durant l’essai. »
Selon le Dr Newman, la réalisation de ce type d’études systématiques et détaillées en collaboration avec les populations visées contribuera à assurer une utilisation optimale des méthodes de prévention et de traitement à mesure qu’elles deviennent disponibles. « Nous ne pouvons pas décider quels produits sont mis en marché, mais nous essayons de rendre disponible pour la population l’information que nous recueillons afin d’orienter les efforts de sensibilisation dans les collectivités, ainsi que les politiques qui peuvent favoriser la mise en œuvre de nouveaux outils de prévention, et ce, de la façon la plus conviviale et la plus acceptable sur le plan social. »
Le Dr Newman est persuadé de la nécessité d’inclure les populations visées et les personnes laissées pour compte dans les études d’acceptabilité et d’applicabilité, ce qui se dégage de ses travaux. Ce n’est guère étonnant, puisqu’il a terminé ses études universitaires au début des années 1980, lorsque les premiers cas de VIH ont été découverts. Il a été bénévole pour des lignes d’assistance à Boston et travailleur social dans la plus grande clinique de santé publique des États-Unis se consacrant au sida, où il venait en aide aux personnes atteintes du VIH à une époque où il y avait très peu de possibilités de traitement. « C’était une expérience très intense », confie-t-il. Depuis, il s’est fait le défenseur des laissés pour compte, s’efforçant de donner une voix à ceux qui, souvent, ne parviennent pas à se faire entendre. « J’essaie d’employer des méthodes de recherche de pointe, originales, pour représenter le mieux possible les réalités de ces personnes, tout en veillant susciter l’intérêt des responsables des politiques et des bailleurs de fonds. Il est possible d’utiliser des méthodes de recherche de pointe pour représenter les besoins et les priorités de populations vulnérables dans les pays à revenu de faible et à intermédiaire. C’est un paradigme fort dans lequel j’aime travailler. »
L’Association canadienne de recherche sur le VIH (ACRV), l’Initiative de recherche sur le VIH/sida des IRSC, la Fondation canadienne de recherche sur le sida (CANFAR), le Réseau canadien pour les essais VIH (RCE) et le Bureau de coordination de l’alliance (BCA) de recherche et de développement de l’Initiative canadienne de vaccins contre le VIH (ICVV) souhaitent adresser leurs remerciements au Dr Newman pour sa contribution importante à notre compréhension du VIH. Son travail s’inscrit dans un vaste effort de recherche canadien qui améliore la vie des personnes touchées par le VIH au Canada et ailleurs dans le monde.