
Le VIH/sida était une maladie peu connue lorsque le Dr Jean-Pierre Routy a fait sa résidence au Centre Hospitalier Général d’Aix-en-Provence en 1982. « Quinze jours après avoir commencé ma résidence, j’ai reçu un appel d’un jeune patient, il avait 26 ans, il faisait des crises, souffrait d’un lymphome du cerveau et d’une tuberculose atypique.
Pour moi, c’était un mystère, » de dire le Dr Routy. Il ne pouvait s’empêcher de sentir une certaine affinité avec ce jeune homme. Quand le monde a pris conscience de la pandémie de sida, le Dr Routy savait que ce patient souffrait probablement de cette maladie. Par contre, à l’époque, on ne pouvait pas faire grand-chose et le patient est mort peu de temps après. Ce patient et ce moment dans le temps ont orienté la carrière du Dr Routy vers la recherche pour trouver un traitement contre le VIH.
De nos jours, le travail du Dr Routy se concentre sur les thérapies immunitaires et les vaccins thérapeutiques qui modifient ou stimulent le rôle du système immunitaire du patient dans la lutte contre l’infection au VIH. « Le corps veut se protéger et une réponse anti-inflammatoire pour maîtriser les dommages aux organes induits par le virus, mais en l’absence d’un remède, le système continue et la lutte peut faire pire encore que l’envahisseur », d’expliquer le Dr Routy. « Les immunothérapies ouvrent une nouvelle époque dans le traitement du VIH. »
Avec l’appui des IRSC à titre de membre d’une équipe de chercheurs de l’ensemble du Canada, le Dr Routy a récemment exploré l’utilisation de l’Interleukine-7 (IL-7), une cytokine favorisant la croissance des cellules-T. L’équipe de chercheurs a étudié l’IL-7 dans le contexte de la muqueuse intestinale, surface perméable qui le devient de plus en plus pendant l’infection au VIH. Cet « intestin passoire » permet aux microbes de passer à travers la muqueuse et, en retour, entraîne une activation immunitaire chronique dans le corps. Au cours d’une étude clinique chez des patients séropositifs au VIH, on a constaté que le traitement avec l’IL-7 augmentait l’expansion des cellules porteuses de CD4+ dans le sang et réduisait l’inflammation intestinale. Le traitement a également pu réparer en partie l’intestin en augmentant le nombre de cellules-T porteuses de CD4+.
Bien sûr, les recherches dans cette nouvelle avenue de traitement n’est pas dépourvue de défis et de résultats négatifs, mais cela fait partie du progrès. Le Dr Routy et ses collègues ont publié récemment une communication sur l’utilisation de la chloroquine pour promouvoir un rétablissement des cellules-T porteuses de la molécule CD4+ en réduisant l’inflammation. La chloroquine est utilisée dans d’autres troubles auto-immunitaires et serait un médicament idéal en raison de son faible coût et de son profil sécuritaire. Par contre, les résultats ont été négatifs, ne montrant aucun changement dans le taux de rétablissement des cellules-T porteuses de CD4+ lors des essais cliniques. « C’est un peu décevant », reconnaît le Dr Routy, « mais au moins, nous avons répondu à la question ».
Dans le cadre du Consortium canadien de recherche sur la guérison du VIH (CanCure) bénéficiant de l’appui des IRSC, de la CANFAR et de la Société internationale sur le SIDA, les recherches du Dr Routy continuent à ouvrir de nouvelles stratégies de traitement. Il espère que ces nouveaux traitements aideront à éliminer le VIH de l’organisme en rendant le virus plus visible pour le système immunitaire. Dans cette nouvelle époque des thérapies contre le VIH, le Dr Routy dit : « Nous devons penser d’une autre manière. »
L’Association canadienne de recherche sur le VIH (ACRV), l’Initiative de recherche sur le VIH/sida des IRSC, la Fondation canadienne de recherche sur le sida (CANFAR), le Réseau canadien pour les essais VIH (RCE) et le Bureau de coordination de l’alliance (BCA) de recherche et de développement de l’Initiative canadienne de vaccins contre le VIH (ICVV) souhaitent adresser leurs remerciements au Dr Routy et à ses collègues pour leur contribution importante à notre compréhension du VIH. Leur travail s’inscrit dans le cadre d’un vaste effort canadien de recherche qui fait la différence dans la vie des personnes affectées par le VIH, au Canada et de par le monde.