
C’était en grandes lettres et Jacqueline Gahagan et tous ceux qui passaient dans la rue ne pouvaient que voir. Tandis qu’elle apportait son concours à un projet de recherche à Ottawa comme étudiante de premier cycle, elle passait périodiquement devant un mur de briques à l’extérieur du centre GO (Gais d’Ottawa). Couvert à la peinture de slogans homophobes, c’était un message évident de la haine et des fausses idées entourant le VIH. « Je devais passer devant ce message agressant pour monter à l’étage, au centre GO (gais d’Ottawa) afin d’apporter mon concours à une étude de recherche axée sur les droits des gais et lesbiennes. J’ai réalisé que tous ceux qui venaient dans cet immeuble, gais ou non, devaient passer devant ce message d’intolérance. » Pour la Dre Gahagan, c’était un signe que les choses devaient changer. « Certains prétendront qu’il suffit de passer outre à ce type d’imagerie visuelle et que cela ne fait pas vraiment de dommages, mais il évident qu’écrire quelque chose d’aussi haineux dans l’espace public prouve qu’il faut qu’il y ait un changement d’attitudes. »
Sociologue médicale de formation, la Dre Gahagan est professeure en promotion de la santé et directrice de l’unité GAHPS (Gender and Health Promotion Studies) à l’Université Dalhousie. Elle étudie comment les déterminants de la santé, par exemple le sexe et le genre, ont des répercussions sur le dépistage, la prévention et le traitement du VIH, des ITS et de l’hépatite C. La Dre Gahagan est également membre fondateur de l’AIRN ou Atlantic Interdisciplinary Research Network (réseau de recherche interdisciplinaire de l’Atlantique) dont l’objet est de dégager et de gérer les aspects sociaux et comportementaux du VIH et de l’hépatite C dans l’ensemble de la région.
Actuellement, la Dre Gahagan conteste encore les perceptions négatives fondées sur le sexe et l’exclusion sociale dans ses recherches sur la promotion de la santé et les besoins en matière de prévention du VIH des femmes, des transgenres et des filles. « Les perceptions négatives, les stigmates et la discrimination demeurent et ont réellement des incidences sur des aspects comme demander un dépistage ou un traitement, » explique la Dre Gahagan. Ces stigmates ont des effets très profonds et aux multiples ramifications sur les orientations de la recherche, les initiatives de politique et les efforts de prévention également. Historiquement, les femmes ont été absentes des programmes de recherche et de prévention concernant le VIH. « La recherche clinique sur le VIH, s’est historiquement concentrée sur les gais et les résultats ont été extrapolés aux femmes », précise la Dre Gahagan. « Mes recherches visent à contester ces limites admises pour veiller à ce que les processus de recherche sur le VIH œuvrent également pour les femmes et d’autres populations. »
En 2013, la Dre Gahagan et ses collègues ont publié l’Énoncé de consensus sur la recherche avec les femmes, les personnes trans, les filles et le VIH au Canada, à la suite d’un processus de consultation de trois ans. Le document, disponible à l’adresse www.dal.ca/diff/gahps.html, comporte des recommandations visant à faire en sorte que la recherche future sur le VIH soit davantage inclusive et serve les besoins des femmes, des personnes trans et des filles. « La nature sexuée du risque et de la prévention en matière de VIH a été largement absente des représentations populaires du VIH et cela constitue un problème, » explique la Dre Gahagan. « Comment pouvons-nous gérer les questions de stigmates, de discrimination ou de violence reposant sur le genre, pour veiller à ce que ces personnes, éventuellement à risque peuvent contracter le VIH, tirent parti de tous les avantages possibles de 30 années de progrès de la recherche sur le VIH? »
Et pour ceux qui veulent être au courant des recherches en cours, la Dre Gahagan a publié le livre « Women and HIV Prevention in Canada: Implications for Research, Policy and Practice » (disponible de Canadian Scholars’ Press, Inc.), où elle dégage l’état actuel des efforts en matière de recherche, de politique et de programmation concernant la prévention du VIH, en mettant l’accent sur les enjeux liés aux diverses populations de femmes au Canada touchées par le VIH. C’est une collection d’articles rédigés par des universitaires, des chercheurs, des praticiens et de simples membres de la collectivité qui offrent une large perspective des enjeux, allant des femmes incarcérées à l’accès à la réduction des préjudices, en passant par un aperçu des divers déterminants de la santé qui influent sur l’infection au VIH, les besoins en matière de prévention et de services liés au VIH pour les femmes autochtones, sans oublier l’état des nouvelles technologies de prévention du VIH.
En ce qui a trait à ses recherches, c’est la collectivité qui est l’inspiration de la Dre Gahagan : « Je trouve qu’il y a tant d’énergie, de créativité et de volonté de tenir bon, » explique-t-elle. « Avec toutes les avancées et reculs en matière de progrès dans le traitement du VIH, il y a des défenseurs et des collectivités affectés qui continuent à demander des comptes aux chercheurs pour veiller à ce qu’ils se penchent sur cette question de santé urgente. Il est très encourageant de voir à quel point les collectivités touchées se mobilisent, de concert avec les milieux de la recherche, pour instaurer un changement durable. »
L’Association canadienne de recherche sur le VIH, l’Initiative de recherche sur le VIH/sida des IRSC, la Fondation Canadienne de Recherche sur le Sida (FCRS), le Réseau canadien pour les essais VIH (RCE) des IRSC et le Bureau de coordination de l’Alliance de recherche et de développement de l’Initiative canadienne de vaccins contre le VIH souhaitent féliciter la Dre Gahagan de son apport important à notre compréhension des aspects sexospécifiques de l’épidémie de VIH. Son travail s’inscrit dans le cadre d’un vaste effort canadien de recherche qui fait la différence dans la vie des personnes affectées par le VIH au Canada et de par le monde.