
« Apprenez à programmer. Sans blague. » C’est le conseil que donne M. Art Poon (PhD) aux chercheurs de demain et cela l’a vraiment bien servi dans son travail. Enfant, il a appris à programmer sur un ordinateur VIC-20. Aujourd’hui, au Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique, il met ses connaissances en pratique pour décortiquer les mégadonnées dans un domaine de recherche émergent appelé phylodynamique.
Au fil des ans, le Centre a réuni environ 32 000 séquences génétiques de VIH provenant de plus de 8 000 personnes inscrites au programme de traitement du VIH en Colombie-Britannique. Avec l’appui d’un partenariat IRSC-Génome Canada, M. Poon a créé un système automatisé qui construit des arbres phylogéniques à l’aide de ces séquences anonymisées. À l’instar d’un arbre généalogique, l’arbre phylogénique illustre les liens de parenté génétique de différentes populations et, dans le cas du VIH, de différentes infections. « À partir d’une base de données répertoriant des séquences, il est possible de bâtir un grand arbre des relations entre de nombreuses infections à VIH et d’ensuite repérer des grappes d’embranchemdents courts dans cet arbre », d’expliquer M. Poon. « Une grappe indique un endroit où l’épidémie se propage plus rapidement qu’ailleurs dans une partie de la population. »
Lorsque de nouvelles séquences de VIH sont repérées en laboratoire, le système effectue une nouvelle analyse de l’ensemble de la base de données puis crée un nouvel arbre. Il recherche des grappes, vérifie si elles ont pris de l’ampleur et produit automatiquement un rapport. Ce rapport est distribué aux directeurs du Centre d’excellence sur le VIH/sida de la C. B. et à leurs partenaires du système de santé publique dans la province. Par exemple, des rapports issus de ce système ont fourni en temps réel des renseignements détaillés sur une éclosion localisée de pharmacorésistance transmise en Colombie Britannique, où un certain nombre de personnes ont été infectées par des variantes très semblables du VIH porteuses de la même mutation de résistance. Grâce à ce genre de renseignements, les services de santé publique peuvent se concentrer plus efficacement sur les sous-populations où l’épidémie se propage plus rapidement.
Ce qui rend uniques les travaux de M. Poon, c’est que les mégadonnées sont décortiquées pour être utilisées au niveau des patients. « Nous sommes convaincus que c’est la première fois que des mégadonnées sont appliquées de façon concrète dans le domaine de la santé publique. Nous prenons un énorme ensemble de données, intégrons des centaines de variables recueillies dans le cadre des traitements offerts par le Centre, et utilisons ces renseignements pour nous attaquer à l’épidémie de façon concrète. »
Comme le souligne M. Poon, les arbres phylogéniques ont un potentiel immense. En effet, ils ne recèlent pas seulement des indices sur de nouvelles transmissions et la pharmacorésistance, car ils constituent aussi une véritable mine d’information qu’il est possible d’exploiter, moyennant les bonnes techniques. Grâce à une bourse de nouveau chercheur obtenue dans le volet découverte d’un vaccin et recherche sociale de l’ICVV, M. Poon a mis au point une nouvelle méthode pour comparer les formes des arbres phylétiques. « Auparavant, pour en savoir plus sur une épidémie, nous devions vraiment nous fier à des modèles très élémentaires pour lesquels nous avions les solutions mathématiques, et nous devions faire correspondre ces modèles à nos arbres. Or, cette approche nous obligeait à faire beaucoup de suppositions et à sursimplifier le fonctionnement des éléments. »
Grâce à sa nouvelle méthode, M. Poon peut prendre un arbre construit à partir de séquences réelles de VIH et le comparer à des arbres créés à partir d’un modèle d’épidémie plus réaliste. Il peut ensuite ajuster les paramètres du modèle de manière à produire des simulations semblables à l’arbre réel. « Cette approche ouvre tout un monde de possibilités. Nous pouvons utiliser une simulation pour ajuster à l’arbre réel un modèle, quelle que soit sa complexité », explique-t-il. « Nous pouvons poser des questions plus complexes sur les répercussions du traitement ou des réseaux sociaux. Il s’agit d’une approche novatrice permettant d’ajuster les modèles à ce type de données. »
M. Poon espère que son système de surveillance et une meilleure compréhension des facteurs influant sur la transmission pourront un jour enrayer la progression de l’infection. « L’évolution rapide du virus complique énormément la mise au point d’un vaccin. C’est pourquoi nous devons constamment surveiller la possibilité qu’une pharmacorésistance apparaisse chez les patients. Et pourtant, cet aspect nous permet justement de déceler ce qui se passe pendant une épidémie », explique-t-il. « Ce projet est pour moi une occasion fantastique de faire un travail important, et ce, avec les outils que je connais bien. »
L’Association canadienne de recherche sur le VIH (ACRV), l’Initiative de recherche sur le VIH/sida des IRSC, la Fondation canadienne de recherche sur le sida (CANFAR), le Réseau canadien pour les essais VIH (RCE) et le Bureau de coordination de l’alliance (BCA) de recherche et de développement de l’Initiative canadienne de vaccins contre le VIH (ICVV) souhaitent adresser leurs remerciements à M. Poon pour sa contribution importante à notre compréhension du VIH. Son travail s’inscrit dans un vaste effort canadien de recherche qui améliore la vie des personnes touchées par le VIH au Canada et ailleurs dans le monde.